Les tensions commerciales et l’incertitude ouvrent davantage de portes en Europe

Dans le dernier article de Financial Standard FS Super, Philippe Poggioli, managing partner chez Access Capital Partners, analyse comment l’évolution des dynamiques géopolitiques – notamment les tensions commerciales persistantes entre les États-Unis et la Chine, la montée du protectionnisme et la transformation des chaînes d’approvisionnement – redessinent les flux de capitaux mondiaux.

À mesure que l’incertitude mondiale s’accroît, l’Europe apparaît comme une région de stabilité relative et de potentiel d’investissement encore inexploité.

PAR PHILIPPE POGGIOLI | VENDREDI 8 AOÛT 2025

La volatilité accrue et l’imprévisibilité de la politique commerciale américaine rendent l’Europe plus attractive pour les investisseurs institutionnels en quête de stabilité et de prévisibilité. On observe un transfert visible de capitaux vers les actifs européens, la région étant perçue comme offrant des conditions réglementaires et économiques plus stables que les États-Unis. Cela s’est particulièrement manifesté ces derniers mois avec un regain d’afflux d’investisseurs internationaux. L’Europe est de plus en plus perçue comme une valeur refuge, un lieu où la création de valeur à long terme reste possible dans un contexte mondial agité.

En particulier, le capital-investissement européen attire une attention croissante de la part des investisseurs institutionnels. L’impact direct de la politique américaine imprévisible reste limité dans ce domaine, surtout pour les petites capitalisations dont la grande majorité génère l’essentiel de ses revenus en Europe. Ces dernières se sont montrées résilientes et ont offert aux investisseurs une meilleure liquidité que les grandes capitalisations au cours des trois dernières années.


Des vents favorables pour le capital-investissement européen

Plusieurs facteurs créent aujourd’hui des opportunités pour les investisseurs en private equity en Europe, sur fond d’incertitudes mondiales et de résilience du marché européen.

  • Rotation sectorielle : Les investisseurs recherchent une diversification accrue, ce qui pousse le capital-investissement à se tourner vers des secteurs résilients et à forte croissance comme les technologies de l’information, les logiciels et la santé, moins exposés aux perturbations du commerce mondial. Ces domaines bénéficient de tendances structurelles telles que la digitalisation et les changements démographiques. Les services B2B et les infrastructures suscitent également un fort intérêt, offrant des profils défensifs recherchés en période d’incertitude.
  • Innovation dans les transactions et la création de valeur : Le marché européen du private equity se distingue par des approches innovantes. Faute de méga-opérations, les fonds privilégient l’excellence opérationnelle, la transformation digitale et les acquisitions. Cette stratégie, qui consiste à agréger plusieurs sociétés pour créer des champions européens autour des meilleures équipes de management, est au cœur de leur modèle de rendement et particulièrement pertinente dans le contexte fragmenté de l’Europe. L’usage accru de l’analytique, de l’intelligence artificielle et de stratégies commerciales performantes permet de générer de la valeur dans les portefeuilles existants.
  • Amélioration des conditions de financement : Avec la stabilisation des taux d’intérêt et le retour des banques sur le marché, l’accès accru à la dette soutient la reprise des opérations de fusions-acquisitions, notamment dans le segment mid-to-large market. Cela facilite à la fois de nouveaux investissements sur ces segments et des sorties pour les opérations small cap.
  • Transition verte : Le private equity joue un rôle crucial dans l’accélération de la transition de l’Europe vers une économie bas-carbone. En mobilisant des capitaux, en apportant une gouvernance et en soutenant les transformations opérationnelles, il aide les PME à s’adapter aux nouvelles attentes en matière de durabilité. Le capital-investissement contribue aussi à des objectifs plus larges liés à la souveraineté européenne, en réduisant la dépendance vis-à-vis des chaînes d’approvisionnement hors UE et en renforçant la résilience économique locale.

Le private equity dans les small caps

La situation du capital-investissement en Europe reste plus optimiste que ne le laissent entendre nombre d’analyses médiatiques. Récemment, la baisse des taux d’intérêt a réduit le coût du financement. Cela dit, dans le segment des small caps, les vrais moteurs de création de valeur demeurent la qualité des entreprises sous-jacentes, la dynamique de marché et la capacité à créer de la valeur. La stabilisation des taux a constitué un soutien, mais elle n’est pas le facteur déterminant.

Les opérations de buyout dans le segment small cap impliquent généralement des multiples d’entrée plus faibles et un recours moindre à la dette. Cela rend l’activité de ce segment moins sensible aux variations des taux d’intérêt et aux conditions de financement des acquisitions. Ainsi, bien que l’amélioration des conditions de financement et la stabilisation des taux aient soutenu le sentiment de marché dans son ensemble, ce ne sont pas les principaux moteurs des flux d’opérations ou des valorisations dans les small caps. Ce sont plutôt la qualité des entreprises cibles, la dynamique locale et la capacité à mettre en œuvre des améliorations opérationnelles qui déterminent réellement la création de valeur.